Une nouvelle décision prise par l’administration pour se conformer à un jugement d’annulation ne prive pas d’objet l’appel formé contre le jugement
Une nouvelle décision prise par l’administration pour se conformer à un jugement d’annulation ne prive pas d’objet l’appel formé contre le jugement
Article publié par Mathilde Haas, avocat au Barreau de Paris
Si l’administration, tout en ayant fait appel du jugement, prend une nouvelle décision dans le souci de se conformer à ce jugement d’annulation, l’appel est-il dépourvu d’objet ? Le tribunal administratif doit-il prononcer un non-lieu à statuer ?
Non, c’est la réponse de la Cour administrative d’appel de Versailles dans une affaire relative à un refus de congés bonifiés (CAA Versailles, 6e ch., 26 oct. 2023, n° 22VE02879).
La Cour juge que « lorsque l’autorité administrative, en exécution d’un jugement d’annulation, prend une nouvelle décision qui n’est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d’annulation, cette délivrance ne prive pas d’objet l’appel dirigé contre ce jugement ».
Petit rappel utile des règles applicables :
« 2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n’ait statué, l’acte attaqué est rapporté par l’autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d’être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique de l’acte contesté, ce qui conduit à ce qu’il n’y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l’acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l’administration se borne à procéder à l’abrogation de l’acte attaqué, cette circonstance prive d’objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n’ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Il est constant que la décision en litige du 19 janvier 2022 et la décision du 24 mars 2022 rejetant le recours gracieux de Mme B n’ont pas été retirées, ni abrogées par le président du conseil départemental de l’Essonne. Si l’intimée fait valoir qu’une décision l’admettant au bénéfice d’un congé bonifié a nécessairement été prise après le prononcé du jugement contesté du 10 novembre 2022, lorsque l’autorité administrative, en exécution d’un jugement d’annulation, prend une nouvelle décision qui n’est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d’annulation, cette délivrance ne prive pas d’objet l’appel dirigé contre ce jugement. Dans ces conditions et alors que le juge administratif de l’excès de pouvoir apprécie en outre la légalité d’un acte administratif au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date de son édiction, la présente requête n’a pas perdu son objet. Par suite, l’exception de non-lieu à statuer opposée en défense par Mme B ne peut qu’être écartée. »