Un conseiller municipal qui refuse de remplir l’une de ses fonctions peut être déclaré démissionnaire

par Mathilde Haas, avocat au Barreau de Paris

· Vie institutionnelle,Collectivités territoriales

« Tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif.

Le refus résulte soit d'une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l'abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation.

Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d'un an. »

Qu’est-ce qu’un avertissement ?

C’est un écrit du maire informant le conseiller municipal que la fonction qu’il refuse de remplir lui est dévolue par la loi et qu’il doit ainsi se soumettre à l'obligation de la remplir.

L’avertissement doit par ailleurs rappeler explicitement au conseiller municipal qu’en application de l’article L2121-5 du CGCT, son refus, sans excuse valable, l’expose à être déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. Si l’écrit ne rappelle pas les conséquences de son refus, le conseiller municipal pourrait être regardé comme n’ayant pas fait l’objet d’un avertissement (TA Lille, 2e ch., 13 juill. 2022, n° 2204518).

Naturellement, cette preuve doit être conservée par le maire pour en justifier auprès du tribunal administratif.

Qui saisit le tribunal administratif ? Dans quel délai ?

C’est le maire, dans un délai d’un mois après le refus constaté, en application de l’article R2121-5 du CGCT :

« Dans les cas prévus à l’article L. 2121-5, la démission d’office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif.

Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l’article L. 2121-5 saisit dans le délai d’un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif.

Faute d’avoir statué dans le délai fixé à l’alinéa précédent, le tribunal administratif est dessaisi. Le greffier en chef en informe le maire en lui faisant connaître qu’il a un délai d’un mois, à peine de déchéance, pour saisir la cour administrative d’appel.

Lorsque le tribunal administratif prononce la démission d’un conseiller municipal, le greffier en chef en informe l’intéressé en lui faisant connaître qu’il a un délai d’un mois pour se pourvoir devant la cour administrative d’appel.

La contestation est instruite et jugée sans frais par la cour administrative d’appel dans le délai de trois mois. ».

Attention, la commune n’est pas compétente pour saisir le tribunal administratif aux fins de voir déclarer le conseiller municipal démissionnaire, seul le maire l’est (TA Rouen, 10 juill. 2024, n° 2402668).

Quels types de refus peuvent justifier de saisir le tribunal administratif ?

Le cas fréquent est celui du refus du conseiller municipal de tenir un bureau de vote le week-end (CAA Versailles, 2e ch., 25 nov. 2021, n° 21VE02528).

Notons également le refus du conseiller municipal le plus âgé de présider la séance du conseil municipal ayant pour objet l’élection du maire à la suite du renouvellement du conseil (CE, 3-8 chr, 16 déc. 2022, n° 447094, Lebon T.).

Qu’est-ce qu’une excuse valable justifiant le refus ?

Elle peut être de plusieurs ordres et s’apprécie in concerto.

La jurisprudence a déjà retenu :

  • Des motifs professionnels = la présence du salarié était nécessaire (TA Caen, 2e ch., 25 juill. 2024, n° 2401686)
  • Un déplacement familial à l’étranger pour congés annuels (TA Montreuil, 4e ch., 3 juill. 2024, n° 2408747)
  • Le fait d’être candidat aux élections départementales dans un canton et désigné à ce titre assesseur suppléant d’un autre bureau de vote (CAA Paris, 6e ch., 18 janv. 2022, n° 21PA05649)

En revanche, avancer des « motifs de dissensions politiques avec le maire de la commune » ne peut justifier le refus (TA Melun, 2e ch., 28 août 2024, n° 2409679).

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