Congés bonifiés : quels sont les critères d'appréciation du centre des intérêts moraux et matériels ?

Article publié par Mathilde Haas, avocat au Barreau de Paris

· Fonction publique

En application de l'article L651-1 du code de la fonction publique, le fonctionnaire territorial peut bénéficier d'un congé bonifié :

 

"Le fonctionnaire territorial ou le fonctionnaire hospitalier dont le centre des intérêts matériels et moraux est situé en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon exerçant ses fonctions sur le territoire européen de la France bénéficie du régime de congé bonifié institué pour les fonctionnaires de l'Etat dans la même situation."

Comment est appréciée la localisation du centre d'intérêts matériels et moraux ?

Initialement un avis n°328510 du Conseil d’Etat rendu le 7 avril 1981 ainsi qu'une circulaire de 2007 listaient les critères pouvant être pris en compte. Désormais, une nouvelle circulaire du ministre de la Transformation et de la Fonction publiques du 2 août 2023, abrogeant l'ancienne, énumère les critères qui peuvent être retenus pour apprécier, par un faisceau d'indices, la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de l’agent demandeur.

Il peut être tenu compte :

  • le lieu de naissance de l’agent ;
  • le lieu de naissance des enfants ;
  • le lieu de résidence avant l’entrée dans l’administration ;
  • le lieu de résidence des père et mère ou, à défaut, des parents les plus proches (grands-parents, frères, sœurs, enfants) ;
  • le lieu de résidence des membres de la famille de l’agent (notamment grands- parents, frères, sœurs, enfants), leur degré de parenté avec l’agent, leur âge, leurs activités, et le cas échéant leur état de santé ;
  • le cas échéant, le lieu de sépulture des parents les plus proches.
  • le lieu d’implantation des biens fonciers dont l’agent est propriétaire ou locataire ;
  • le lieu où l’agent est titulaire de comptes bancaires, d’épargne ou postaux ;
  • la commune où l’agent s’acquitte de certains impôts, en particulier l’impôt foncier ou l’impôt sur le revenu ;
  • le lieu d'inscription de l'agent sur les listes électorales ;
  • les études effectuées sur le territoire considéré par l'agent et/ou ses enfants ;
  • les affectations professionnelles ou administratives qui ont précédé l’affectation actuelle ;
  • la fréquence des voyages que l’agent a pu effectuer vers le territoire considéré ;
  • la durée des séjours dans le territoire considéré ;
  • la fréquence des demandes de mutation vers le territoire considéré ;
  • Le bénéfice antérieur d'un congé bonifié.

La circulaire du 2 août 2023 précise que le centre des intérêts matériels et moraux "ne peut être déterminé sur la base d’un seul des critères susmentionnés. Ces critères n’ont pas de caractère exhaustif ni nécessairement cumulatif et plusieurs d’entre eux, qui ne seraient pas à eux seuls déterminants, peuvent se combiner, sous le contrôle de la juridiction compétente, selon les circonstances propres à chaque espèce (avis du Conseil d’Etat du 7 avril 1981). Aucun des critères précédemment cités ne peut être individuellement considéré comme obligatoire. Des décisions du Conseil d’Etat sont venues confirmer l’appréciation du CIMM à partir d’un faisceau d’indices (CE, n° 315612 du 22 février 2012, CE, n° 390415 du 27 juillet 2016)."

Le faisceau d'indice doit être constitué d'au moins deux critères.

La jurisprudence relative aux congés bonifiés est abondante et faire reconnaître que le centre de ses intérêts matériels et moraux est fixé hors métropole n'est pas toujours aisé :

  • Le seul fait que « que les parents et la grand-mère de l'intéressé résident en Martinique, qu'il s'est inscrit sur les listes électorales ou qu'il cotise auprès d'une mutuelle afin d'assurer le transport de son corps en Martinique après son décès » ne suffit pas à considérer que le centre des intérêts matériels et moraux du requérant est fixé en Martinique (CAA de Versailles, 10 mai 2021, n°20VE01989).
  • N’a pas son centre des intérêts matériels et moraux fixé en Guadeloupe, la requérante qui « ne justifie ni de la propriété ou de la location d'un bien foncier en Guadeloupe, ni encore être inscrite sur les listes électorales de ce département » (CAA de Versailles, 29 mars 2021, n°18VE03173).
  • La circonstance que la requérante serait née en Martinique, y aurait effectué toute sa scolarité, que l’aîné de ses enfants y serait né, que ses parents y résident encore, et qu’elle ait bénéficié auparavant de congés bonifiés ne suffit pas à considérer que le centre de ses intérêts matériels et moraux est fixé en Martinique (CAA de Versailles, 6ème chambre, 4 juin 2021, n°20VE02823).
  • N'a pas le centre de ses intérêts matériels et moraux fixé en Martinique, la requérante qui n'établit pas détenir un bien immobilier, un compte bancaire ou être inscrite sur les listes électorales en Martinique et ne produit aucune pièce permettant d’établir la fréquence de ses voyages en dehors ses précédents congés bonifiés, notamment pour rendre visite à son père resté sur place (CAA de Versailles, 7 avril 2022, n°20VE00139).

Que faire si l'administration n'a pas fait droit à votre demande de congé bonifié ?

En cas de refus de l'administration de vous faire bénéficier d'un congé bonifié, vous pouvez faire un recours gracieux ou contentieux, notamment en faisant appel à un avocat, pour apporter la preuve que vous remplissez certains critères énumérés de nature à établir que votre votre centre des intérêts matériels et moraux est fixé hors métropole.

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